En Suisse, les églises s'apprêtent à vivre le dimanche de l'Église persécutée, qui aura lieu les 10 et 17 novembre. Cet événement de sensibilisation et de solidarité présente cette année les persécutions subies par les chrétiens dans les trois pays suivants: l’Iran, le Burkina Faso et la Corée du Nord. Rencontre avec Amin Afshar Naderi, chrétien d’origine musulmane, condamné par la justice iranienne à 15 ans de prison en raison de sa foi chrétienne.
Romanel-s/Lsne, le 7 novembre 2024 –
L’Iran compte un peu plus d’un pourcent de chrétiens. Et alors que la population en général a une vision plutôt positive de cette minorité, en raison de son implication sociale et de son honnêteté, la vision qu’en a le gouvernement est très différente.
Amin Afshar Naderi, comment le gouvernement iranien considère-t-il les chrétiens?
De manière général, le gouvernement classe sa population selon trois catégories: les partisans du régime, ses opposants et ses ennemis. La majorité de la population, à ses yeux, fait partie des opposants et il classe même les chrétiens dans la catégorie des ennemis. Cela se concrétise par des restrictions sévères à leur encontre. Par exemple, bien que le persan soit la langue commune de l'Iran, ils ne sont pas autorisés à parler de la Bible en persan. Dans les églises, ils ne peuvent parler ou prêcher qu'en arménien ou en assyrien, et la présence de non-chrétiens ou de chrétiens d'origine musulmane est interdite. De même, il est interdit de posséder une bible en langue persane. Enfin, impossible pour un chrétien d'occuper un emploi gouvernemental, militaire ou sensible.
Alors que les chrétiens qui font partie d'une communauté chrétienne traditionnelle arménienne ou assyrienne, par exemple, sont tolérés dans une certaine mesure, ce sont surtout les nouveaux chrétiens et ceux d'origine musulmane qui provoquent des réactions. Quelles sont-elles?
C’est effectivement le cas. Le gouvernement n'a aucune pitié pour les activistes chrétiens qui travaillent parmi les musulmans ou qui se sont convertis de l'islam au christianisme. Ils n'ont pratiquement aucun droit. S'ils révèlent leur identité chrétienne, ils seront expulsés de l'université ou de leur lieu de travail, rejetés par leur famille et leurs amis. Ils vont commencer à être soumis à des contrôles de sécurité.
Vous avez été condamné à 15 ans de prison, pour quel motif?
J'ai été accusé d'avoir agi contre la sécurité nationale de l'État iranien, d'avoir organisé et dirigé des églises de maison et d'avoir blasphémé en insultant des saints et des prophètes de l’islam.
Pour cela, j'ai été condamné à 15 ans de prison.
Il est fréquent que le gouvernement transforme les accusations contre les chrétiens en chefs d'accusation d’ordre politiques et sécuritaires, au nom de la sécurité nationale. Dans mon cas, j’ai été traité comme un espion d’État, en raison de mon statut de chrétien d’origine musulmane.
On entend souvent parler de libération sous caution de chrétiens en Iran, est-ce une bonne nouvelle que cette option soit possible?
Cette option est une parade du gouvernement pour s’emparer des biens de l’accusé, afin qu’il soit contraint de quitter le pays à court terme. Je l’ai vécu: une fois libéré sous caution, le niveau de contrôle, les pressions et l’incapacité à retrouver un travail ont tellement péjoré mon quotidien que le choix qui me restait était l’exil ou le retour en prison, à plus ou moins long terme. La police secrète iranienne ne m’aurait plus jamais laissé tranquille.
En Iran, la libération sous caution est également une méthode utilisée par le gouvernement pour démasquer les liens qui existent entre chrétiens ou même pour utiliser le prévenu comme appât pour identifier comme chrétiens ceux qui seraient prêts à payer une caution pour lui.
Les églises en Suisse s'apprêtent à vivre le dimanche de l'Église persécutée, lors duquel l'Iran, mais aussi le Burkina Faso et la Corée du Nord seront à l'honneur. Que souhaitez-vous dire à l'Église suisse à cette occasion?
Que les leçons que l’on peut apprendre en vivant la persécution sont de grands trésors. Elle nous permet de mettre en pratique l’enseignement biblique. Nous pouvons tous faire l'expérience de la persécution d'une manière ou d'une autre dans notre vie chrétienne, que ce soit dans la société, dans notre travail, dans notre famille ou chez nos amis, ces expériences forgent notre caractère spirituel, ainsi que notre vision du monde et nos priorités.
Je voudrais encourager les églises en Suisse à considérer l'adversité comme une situation qui favorise la résilience plutôt que comme un échec et à essayer de la surmonter.