Chaque semaine, les partenaires de l’ONG Portes Ouvertes dans le nord de ce pays comptabilisent plusieurs attaques meurtrières.
Romanel-s-Lsne, le 25 octobre 2022 - En 2021, 4’650 chrétiens sont morts en raison de la violence religieuse au Nigéria. Au Cameroun, les chiffres se veulent plus prudents : moins d’une centaine en 2021. Pourtant, ces dernières années, l’insécurité engendrée par les séries d’attaques orchestrées par le groupe militant islamique Boko Haram dans le nord du Cameroun a conduit à la montée en puissance des groupes d'autodéfense civils. Ces derniers tentent d’endiguer l’exil des populations villageoises de l’extrême nord du pays.
Depuis 2014, les conflits ont fait 270'000 déplacés dans la région de l’extrême-nord du Cameroun. « Certains villages de la région de Tourou sont déserts depuis des semaines, suite aux attaques. Les habitants qui ont tenté d’y retourner pour emmener leurs affaires se sont fait aussitôt attaquer par Boko Haram », rapporte le pasteur James*, qui travaille pour nos partenaires sur place. « Rien que la semaine dernière, Boko Haram a attaqué deux villages des environs. A chaque fois des civils sont morts, et cela se produit chaque semaine », indique-t-il, en zoomant sur les villages en question sur l’application de géolocalisation de son smartphone. « Ces attaques ont une dimension religieuse indéniable, car BH cible en particulier les villages avec une forte majorité chrétienne, ainsi que les églises », conclut-il.
Son témoignage corrobore les données de l’ONG Portes Ouvertes, qui a vu le pays se hisser pour la première fois en 2020 dans la liste des 50 pays dans lesquels les chrétiens sont les plus persécutés, au 48e rang (44e rang en 2022).
Face à cette situation « le gouvernement camerounais minimise et répète que les militaires de son armée contrôlent la situation. Il tient à conserver le statut de « pays sûr » en Afrique et ne pas être associé à ses voisins instables comme le Nigéria ou la République Centrafricaine », résume le pasteur James. « Les militaires ne font pas le poids face aux islamistes, bien armés et surgissant en moto. Le temps d’être alertés et d’intervenir, les soldats de l’armée, en jeep sur des routes défoncées, ne peuvent que constater les incendies et leur impuissance ». Le pasteur James soutient également que Boko Haram a fait de nombreuses victimes parmi les groupes d’autodéfense, ces civils qui se relaient aux abords des villages chaque nuit, pour donner l’alerte.
Le mari d’Elisabeth* était l’un d’eux. En juin, il a passé plusieurs nuits d’affilée à faire le guet, sachant que des attaques avaient eu lieu dans les environs. Puis Boko Haram a attaqué. Ils l’ont enlevé et tué. Elisabeth, qui a pris la fuite cette nuit-là avec ses 8 enfants et d’autres villageois, n’a été prévenue de son décès que plus tard, par téléphone. Depuis 3 mois, elle n’a pas pu rentrer chez elle. Elle vit dans un abri de fortune qui prend l’eau à chaque averse. Et alors que la famille vivait de l’agriculture, ses champs, tout juste semés avant l’attaque, sont maintenant en friche. Elle n’a rien pu emmener et doit payer même son eau potable. Et ceci sans soutien de la famille élargie, qui doit déjà concentrer tous ses efforts pour subvenir à ses propres besoins.
Ce qu’elle endure est le lot de nombreux déplacés de la minorité chrétienne de cette région de l’extrême-nord. C’est une tactique calculée des combattants islamistes, qui comptent bien, en plus de la terreur et des traumatismes qu’ils infligent, déstabiliser économiquement et socialement des régions entières, afin de pouvoir recruter de nouveaux jeunes combattants sans perspectives d’avenir.
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